Des conflits armés éclatent un peu partout (Ukraine, Yemen, Syrie). Des États stables depuis des décennies ont été rayés de la carte afin de laisser place au chaos total (Lybie, Irak, Soudan). De nombreux conflits gelés (et malicieusement non résolus faute de « reconnaissance internationale ») n’attendent que quelques étincelles pour se réactiver (Haut Karabagh en Arménie/Azerbaïdjan, Ossétie du Sud et Abkhazie au nord de la Géorgie). De nombreuses situations demeurent instables un peu partout en Afrique (Égypte, Centrafrique, Congo etc…). L’Asie du Sud Est, autour de la mer de Chine, se transforme en véritable poudrière sur fond de conflits territoriaux riches en hydrocarbures. Enfin, un « terrorisme » international « sans visage » mais au financement aussi nébuleux que suspect, toujours prompt à apparaître au moment opportun pour déstabiliser ce qui tend à s’apaiser.
Les actionnaires de la Guerre en tout genre, qui pouvaient craindre il y a 20 ans la perspective d’un monde post Guerre Froide apaisé (la fameuse « fin de l’Histoire ») peuvent se rassurer : 25 ans après, les budgets militaires nationaux sont au plus haut partout dans le monde. Sur le plan politique, gouverner par ordonnance sans majorité est devenue une norme (via le 49.3 en France), tandis que demander son avis au peuple via référendum est présenté comme une « lâcheté », une « trahison », quand ce n’est pas une « imposture démocratique » (voir le cas grecque au début de l’été 2015).
Face à cet abcès d’Orwellisme aigu qui semble avoir contaminé l’ensemble de nos sociétés empreinte de « modernité » (comprendre consumérisme total et disparition de toute possibilité de remise en question par la Raison), il convient de revenir en détails sur ce qui s’apparente au point de départ de ce Nouveau Monde géopolitique et militaire : la guerre de Yougoslavie.
En effet, peu d’entre nous se souviennent vraiment de cet événement majeur des années 90. Il a pourtant servi à établir l’ensemble des nouvelles « normes géopolitiques internationales » qui n’ont fait que se répéter depuis, un peu partout dans le monde. Il a notamment marqué l’avènement d’une nouvelle doctrine, celle de la justification de l’interventionnisme militaire au nom de la défense des Droits de l’Homme (i.e. Droit à l’Ingérence). Soit le Droit de massacrer des dizaines de milliers de civils (réels) au nom de la défense de droits formels abstraits (officieusement au nom de la poursuite d’intérêts géostratégiques bien compris dans une période de redistribution des cartes).
La 5eme puissance militaire rayée de la carte
En effet, que retenons nous de cette tragédie qui aura pour conséquence la disparition d’un pays qui constituait alors la 5ème armée du monde? Probablement pas assez. Car ce conflit porte en lui, à plusieurs niveaux, les germes des conflits à venir. Conflits qui constituent désormais notre présent.
C’est en particulier la naissance d’une certaine conception de la couverture médiatique (et donc politique) de la Guerre : les médias sont maintenant en charge de relayer la narrative correspondant aux objectifs politiques poursuivis.
Outre l’intérêt de se pencher à nouveau, en détail, sur la dynamique géopolitique de ce qui constitua un « cas d’école » de guerre civile (causes profondes, déroulement, implication de pays tiers etc…), l’analyse des événements permet également de prendre un recul salutaire vis à vis de la machine médiatique. En effet, celle-ci fonctionne depuis les années 90 sur le même registre de propagande manichéenne et émotionnelle, sans la moindre capacité d’analyse et d’objectivité.
Manichéisme de la Guerre Juste
Si il y a bien quatre enseignements que nous montre l’étude de ce conflit c’est que :
1/ Il n’y avait pas de Gentils d’un côté ou de Méchants de l’autre, mais bel et bien DES dirigeants nationalistes ET cyniques de chaque côté. Ils se sont tous prêtés a des épurations ethniques, c’est-à-dire des massacres de civils dans le but de réaliser leurs « destinées nationalistes » respectives. Il n’y en avait pas un pour rattraper l’autre. Il est donc évident que l’on ne peut pas parler de Bon côté et de Mauvais côté.
2/ Les populations civiles, installées depuis des centaines d’années dans leurs régions respectives, ont toutes été les victimes (et uniquement les victimes), en premier lieu de leurs propres gouvernants et militaires.
3/ L’ingérence étrangère fut décisive dans l’embrasement de la guerre. En particulier le rôle de l’Allemagne fraîchement réunifiée. Il n’aura pas fallu longtemps afin qu’elle renoue avec certaines de ses mauvaises habitudes historiques dans la région, en particulier en Croatie. Sans le rôle jouée par l’Allemagne en premier lieu (notamment lors de l’indépendance de la Slovénie), il semble incertain que la Croatie aurait eu les moyens matériels et politiques de se lancer dans le bras de fer avec Belgrade qui mena à la guerre civile. On notera également le cynisme des négociateurs italiens vis a vis du Monténégro, et les intérêts défendus par les américains une fois la guerre lancée (djihadistes en soutien des Bosniaques, bombardement des serbes par l’OTAN).
4/ On nous raconte effectivement n’importe quoi à longueur de journée…
Bon visionnage!
Je vous recommande l’ordre suivant afin d’avoir tout d’abord en tête une vision large de l’histoire du conflit, avant d’aborder des points particuliers.
N.B. : Ce dossier ne concerne que les événements menant jusqu’aux accords de Dayton en 1995. La guerre du Kosovo, suite (logique) de ces événements sera traitée à part, dans un autre article (à venir…)
1. Histoire du Conflit : Le suicide d’une Nation
Très bon documentaire réalisé par la BBC, en 1995, en 6 épisodes qui permet de retracer, en détail, l’histoire du conflit. Malgré le peu de recul face aux événements (réalisé la même année que le Traité de Dayton), ce documentaire montre néanmoins une certaine objectivité (denrée rare de nos jours…).
En revanche, je relève juste un exemple de passage un peu scandaleux : lors de l’épisode 5 à 13:40, lorsque le narrateur aborde l’épuration ethnique subie par les Serbes de Croatie : « Hier ils soutenaient un régime génocidaire, aujourd’hui, ils en paient le prix ». Ou comment justifier l’injustifiable quand ça nous arrange…
Lien en Anglais : https://youtu.be/bzvNZz-X-50
Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Episode 6
2. Une guerre évitable
Maintenant que l’on a bien en tête les événements du conflit, on peut se pencher sur son analyse. Tout d’abord un documentaire assez court qui montre des zones d’ombre de la guerre en Yougoslavie, les intérêts des uns et des autres, bref, ce qu’on nous dit rarement sur cette guerre…
3. Bosnie : Les combattants d’Allah
Documentaire essentiel (et le SEUL que j’ai trouvé à ce jour) qui traite d’un fait notoire concernant la guerre de Bosnie : l’importation des combattant afghans (les fameux moudjahidins de la guerre menée par la CIA contre les soviétiques) afin de soutenir l’armée bosniaque inexpérimentée. On assiste ici ni plus ni moins à la naissance d’Al Qaeda et de ses réseaux. Sidérant… (on ne s’étonnera pas que BHL, sauveur auto proclamé des Bosniaques n’est jamais mentionné les exploits de ses « partenaires » de l’époque, qu’il sera prompt à recycler par ailleurs, 20 ans plus tard, en Lybie, puis en Syrie…)
Partie 1
Partie 2
4. Srebrenica: A Town Betrayed
Excellent documentaire (en anglais) sur la tragédie de Srebrenica. Contexte, responsabilités : ce documentaire met notamment en lumière les calculs cyniques incroyables (mais pas si surprenant finalement) qui ont mené au drame.
On retiendra que Srebrenica est un cas de massacre et d’épuration ethnique PARMI D’AUTRES. Ce n’est ni un crime isolé, ni un hasard. En revanche, il constitue dorénavant le cache misère derrière lequel il est aisé de s’isoler afin de fuir nos propres responsabilités.
5. Témoignage d’un ancien diplomate français :
Ce témoignage permet de remettre la dislocation yougoslave dans un contexte géopolitique global.
Ceci est la partie 1/3. Allez sur Youtube pour voir les autres parties (sinon elles s’enchaînent je pense).